Dans le cadre de sa mission de veille prospective–qui consiste à suivre de près les mutations qui s'opèrent au niveau national, régional et international, en vue de préparer le Maroc au monde de demain-, l'Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES) a achevé, fin octobre 2024, la réalisation de la 12ème édition de sa série "Tableau de Bord Stratégique".

Le Tableau de Bord Stratégique constitue une des productions récurrentes du Pôle « Veille Prospective » de l’IRES. Il représente un outil permettant de fournir un aperçu et un suivi de l'évolution du positionnement du Maroc sur le plan international dans les domaines politique, économique, social, culturel et environnemental.

Mine d’informations quantitatives et de connaissances utiles à la prise de décision, le Tableau de Bord Stratégique comprend 189 indicateurs stratégiques.

Les différents indicateurs présentés dans ce rapport sont classifiés selon les cinq piliers de la grille de lecture de l’IRES, à savoir :

  • Gouvernance : l’ensemble des processus de gestion de l’action collective, à partir de l’orientation des conduites des acteurs (bottom-up), de la mobilisation et de la motivation des "agents" (actions concertées, soft power).
  • Human-centric : l’ensemble des évolutions et aspirations qui participent à remodeler l’Humanité, dans son unicité comme dans sa sociabilité, dans ses rapports à la machine, au travail, à son cadre de vie, ...
  • Nature-centric : la recherche d’un autre rapport au monde vivant, d’une économie plus respectueuse de l’environnement et d’un mode de vie moins orienté vers la consommation ; la prise de conscience qu’il faut désormais prendre soin de la nature et de l’ensemble du vivant.
  • Planétarisation : un nouveau stade de progrès, disruptif, au cours duquel coexistent un état de mondialité (post-mondialisation) et une nouvelle prise de conscience de la qualité "vivante" de la planète, en tant que biosphère dont les humains ne sont qu’une des composantes.
  • Exponentialité : l’ensemble des phénomènes structurels qui connaissent une accélération exponentielle, tels que les technologies de la communication, la digitalisation, la démographie, la compétition économique, la financiarisation, les inégalités sociales, ...

Compte tenu des interdépendances entre les dimensions des deux piliers "Nature-Centric" et "Planétarisation", les indicateurs y afférents ont fait l’objet d’une même section. Cette nouvelle édition a été enrichie par l'intégration de nouveaux indicateurs stratégiques liés, notamment, à l’efficacité du gouvernement, à l’opacité financière, à la résilience face aux risques, à la compétitivité durable, à l’investissement dans l’énergie verte, aux perspectives de la jeunesse, à la digitalisation, à l’intelligence artificielle, à la cyber-sécurité, à la culture et au sport. Le nombre d’indicateurs identifiés par pilier/sous-pilier ne préjuge pas de l'importance de ce dernier. Il est souvent fonction de la disponibilité des données statistiques relatives au domaine concerné.

Certains de ces indicateurs ont des limites qui ont été révélées par plusieurs études. Ils ne reflètent pas, selon l'IRES, les avancées enregistrées par le Maroc. Leur intégration dans le présent Tableau de Bord Stratégique est motivée par le seul fait que ces indicateurs sont pris en considération par les organismes internationaux pour apprécier la situation du Royaume.

Certains indicateurs dont les données remontent à l'année 2016, qui figuraient dans les éditions précédentes, ont été supprimés de l’édition 2024 en raison de la cessation de leurs publications par les organismes concernés.

Les informations relatives aux différents indicateurs ont été recueillies à partir de sources variées, à savoir : les organismes nationaux tels que le Haut-Commissariat au Plan (HCP), les départements ministériels, l’Office des Changes, ... ou les institutions internationales telles que la Banque Mondiale, le FMI, l’OCDE, le PNUD, l’OMS, la FAO et le CEPII.

Pour chaque indicateur, les seuils d’alerte sont déterminés par l'IRES. En partant du constat qu’il n’existe pas de méthode universelle, le calcul des seuils d’alerte relatifs à chaque indicateur a été opéré en utilisant différentes méthodes. Les plus utilisées sont au nombre de deux. La première consiste, en cas d’abondance de l’information, à distinguer au niveau de la communauté internationale trois groupes ayant le même nombre de pays. Les seuils correspondent ainsi aux moyennes des tiers moyen et élevé de cette communauté.

En cas de moindre abondance des données, la deuxième méthode utilisée, consiste à retenir comme seuils :

  • les moyennes établies par les organisations internationales, à savoir :

           - le PNUD pour les pays à développement humain moyen et ceux à développement humain élevé,
           - la Banque Mondiale pour les pays à revenu intermédiaire et les pays à revenu élevé.

  • les normes fixées par les organisations internationales à l’instar de l’OMS et du FMI.

Des cadrans illustratifs du positionnement du Maroc par rapport à ces seuils d’alerte ont été générés, à travers la compilation des données statistiques du Tableau de Bord Stratégique au niveau de la plateforme de Business Intelligence "Power BI", implémentée par l’IRES en juin 2023.

L’analyse de ce positionnement et de son évolution au fil du temps constitue l’objet du présent rapport. Le nombre de places gagnées ou perdues au niveau du classement international du Maroc est évalué à périmètre constant.

L’analyse des résultats de la douzième édition du Tableau de Bord Stratégique a révélé que le Maroc jouit, dans l'ensemble, d'un positionnement :

  • favorable au titre des indicateurs relatifs à l’attachement aux constantes de la Nation et aux valeurs identitaires, à la généralisation de la scolarisation, à la lutte contre la faim, aux conditions de vie de base (accès à l’eau, à l’électricité et à l’assainissement), au capital immatériel par habitant, à la maîtrise de la fécondité, à la faible contribution au changement climatique, à la connectivité maritime, à la solidarité traditionnelle, à l’Open data, à l’investissement, à la lutte contre le blanchiment d’argent, à la sécurité globale, à la contribution à la paix et la sécurité internationales ainsi qu’à la réputation externe;
  • intermédiaire s’agissant des indicateurs inhérents à la gouvernance globale, à l’Etat de droit, à la sécurité sanitaire, à l'efficacité des institutions publiques, à la perception de la corruption, à l’urbanisme, à l'empreinte écologique, à la transition énergétique, à la compétitivité et à l'attractivité globale du pays, à la connectivité aérienne, au système financier, à la liberté économique, au développement humain et au bien-être social, à l’émancipation de la femme, à la préparation aux technologies disruptives, à la formation en ligne, à l’inclusion numérique, à l’économie du savoir et à la solidarité institutionnelle;
  • non approprié lorsqu’il est question de richesse globale par habitant, de souveraineté alimentaire, hydrique et énergétique, de la disponibilité des ressources en eau, de la qualité du système éducatif, de la recherche & développement, du modèle de financement de la santé, de l’encadrement médical, du développement de villes intelligentes, du lien politique, de la liberté de la presse et de la mobilité sociale.

Sur le plan de l’évolution sur les vingt dernières années du positionnement international du Maroc (Cf. Tableau de synthèse suivant), les principales avancées sont relatives, entre autres, à la sécurité et la puissance militaire, à la réputation, au Soft Power, à la lutte contre la faim, à la lutte contre la pauvreté, à la scolarisation et l'alphabétisation, aux conditions de vie de base (accès à l’eau, à l’électricité et à l’assainissement), à la densité routière et ferroviaire, à l’espérance de vie, à l’émancipation de la femme, à l’environnement (niveau relativement faible des émissions de gaz à effet de serre), à la couverture vaccinale, à la lutte contre le blanchiment d’argent, à la confiance interpersonnelle et à la confiance institutionnelle.

En revanche, le repli du positionnement international du Maroc concerne la disponibilité des ressources en eau, la souveraineté alimentaire, la croissance économique, les inégalités de revenu, la liberté économique, la perception du bonheur et les perspectives de la jeunesse.

Le classement international du Royaume est resté stable au titre des indicateurs se rapportant, notamment, à l'attachement à la Nation, à la gouvernance, à la perception de la corruption, à la richesse globale par habitant, au capital immatériel, à la prospérité, à l’accès au système de santé à l'encadrement médical et paramédical, au degré de préparation à l’intelligence artificielle, à la transformation numérique et la solidarité traditionnelle.

A la lumière de ce qui précède et dans le but d’améliorer sensiblement à l’avenir son positionnement international, le Maroc devrait engager des
réformes d’envergure dans les domaines relevant du capital immatériel, notamment, le capital humain, le capital social, le capital "savoir et technologie" et le capital institutionnel.

Le Royaume devrait, également, prendre sérieusement en considération les nouveaux paradigmes de souveraineté hydrique, alimentaire, sanitaire et énergétique, dans un contexte international et national marqué par l’accélération du réchauffement climatique.