Le concept de monde multiplexe, introduit par Amitav Acharya, dans son ouvrage « The End of American World Order« , désigne un monde dans lequel différents acteurs jouent parallèlement leurs propres jeux sur différentes scènes mondiales. Il se manifeste par un remplacement progressif de l’hégémonie occidentale, par un développement significatif du régionalisme dans divers endroits du globe.
Ce nouveau monde, plus décentralisé et qui favorise la coopération autour de puissances régionales reconnues, promeut la recherche de solutions régionales adaptées aux réalités locales, dans un esprit ouvert de leadership partagé.
L’auteur a utilisé la « capacité d’interaction » des pays pour démontrer que le monde est devenu de plus en plus multiplexe. En effet, entre 1945 et 2000, les Etats-Unis intervenaient dans 40% de tous les nouveaux traités singés, alors que de 2006 à 2017, cette part avait baissé à 22% , ce qui témoigne de l’émergence rapide de nouveaux cadres de coopération entre les Etats.
Dans ce monde multiplexe, les relations internationales ne se limitent plus à un simple rapport de force entre grandes puissances. Au contraire, de multiples acteurs influents commencent à émerger, allant des Etats-nations aux multinationales, en passant par des ONG, des mouvements sociaux et même des groupes terroristes.
Cette diversification des acteurs géopolitiques tente de transformer les dynamiques de pouvoir et d’influence à l’échelle mondiale.
L’une des caractéristiques clés de ce monde multiplexe est l’interdépendance croissante entre les nations. Les défis globaux tels que le changement climatique, les pandémies et les crises économiques nécessitent des réponses collectives, rendant les coopérations multilatérales indispensables. Par exemple, la gestion des ressources en eau et des migrations obligent les pays à collaborer, même en présence de tensions politiques.
Le monde multiplexe offre des opportunités. Il favorise l’innovation et la créativité dans les solutions aux problèmes globaux. Les plateformes numériques, par exemple, permettent une diffusion rapide des idées et des meilleures pratiques, renforçant la collaboration entre acteurs divers. L’émergence du monde multiplexe est une donnée qui s’impose désormais à tous les pays.
Cependant, la tendance à la « multiplexité » du monde comporte des défis significatifs pour la bonne marche de la coopération internationale. La complexité des relations internationales peut en effet engendrer des conflits d’intérêts, rendant la prise de décision plus difficile. De plus, la montée du nationalisme et du populisme dans de nombreux pays complique la coopération internationale, car les gouvernements privilégient souvent des agendas nationaux au détriment d’une approche collective.
Le Maroc se trouve à un carrefour stratégique dans ce monde multiplexe. Le pays a su développer une diplomatie proactive, tissant des relations avec diverses puissances mondiales, notamment, l’Union européenne, la Chine et les Etats-Unis. Cette ouverture permet au Royaume de jouer un rôle de médiateur dans des crises régionales et de renforcer ses alliances.
De plus, le Maroc fait face à des défis globaux tels que le changement climatique et les migrations, qui exigent des réponses concertées. Il a pris des initiatives significatives, particulièrement, lors de la Conférence des Nations Unies sur le climat (COP22) à Marrakech et à l’occasion du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières où il a plaidé pour des actions globales en matière d’environnement et de migration.
Sur le plan économique, le Maroc cherche à diversifier ses partenariats et à renforcer son attractivité en tant que hub pour les investissements en Afrique et de porte d’entrée vers l’Europe. L’établissement d’accords de libre-échange et l’amélioration des infrastructures témoignent de sa volonté de s’intégrer dans le tissu économique mondial.
De fait, à travers la Vision éclairée de Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste, le Royaume a entrepris une politique africaine qui a mené à une multiplication des accords politiques, économiques et commerciaux avec les pays du continent (plus de 1.000 accords signés avec les pays Africains durant ces vingt dernières années) . Ainsi, le Maroc, à travers ces multiples accords signés par le passé, occupe déjà une place importante dans ce monde multiplexe.
L’Initiative Royale pour l’Afrique Atlantique, un exemple parfait de régionalisme accompli, s’inscrit dans cette même stratégie d’approfondissement de l’intégration économique du Maroc dans l’ensemble africain. Elle vise à promouvoir une prospérité partagée entre les pays Africains riverains de l’Atlantique et les pays du Sahel. Elle consolide la position du Royaume en tant que leader géostratégique régional dans un monde de plus en plus multiplexe.