IRES Intelligence Platform (IIP)

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ANNUAL SURVEY PAPER 2024

Table des matières

CRISE DES TERRES RARES

Les terres rares* sont un groupe de 17 éléments chimiques, utilisés dans les outils technologiques modernes, dans l’industrie des énergies renouvelables et propres (batteries électriques, éoliennes) ainsi que dans les technologies de pointe civiles (électronique grand public, informatique) et militaires (lasers, radars, systèmes de guidage pour missiles, …).

La crise des terres rares est due, principalement, au fait que la Chine a consolidé un quasi-monopole dans l’extraction de ces matières. Dès 1927, la Chine a identifié le potentiel économique des terres rares, avant de commencer leur exploitation dans les années 1960. En classant cette industrie comme « critique » en 1990 1, le pays a favorisé les investissements et restreint les exportations, tout en bénéficiant de normes environnementales laxistes et d’une main-d’œuvre peu chère 2.

En 2023, la Chine possédait 44% des réserves mondiales de terres rares, suivie par le Vietnam (22%), le Brésil (22%) et la Russie (21%). Elle produisait, à la même date, plus de 70% des terres rares dans le monde contre 14% pour les Etats Unis, 6% pour l’Australie et 4% pour la Birmanie 3.

La hausse de la demande et l’offre limitée en terres rares ont créé une crise dont les premiers signes ont été aperçus en 2010 4, amenant les pays importateurs à chercher des alternatives pour sécuriser leur chaîne d’approvisionnement 5 et réduire, par ricochet, leur dépendance vis-à-vis de la Chine 6, sans y parvenir réellement. Aujourd’hui encore, l’Union Européenne dépend presque totalement de la Chine pour ses approvisionnements en terres rares.

Selon l’Agence Internationale de l’Energie, la demande mondiale pour les énergies renouvelables devrait être multipliée par 7, entre 2020 et 2040 7, entrainant ainsi une hausse de la demande pour les terres rares ; ce qui risque d’accentuer davantage la crise déjà amorcée.

Au Maroc, selon l’Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM), les zones Sud du Royaume recèlent de ressources non-négligeables en terres rares. Une feuille de route encadrant les activités liées aux métaux critiques et capable de répondre aux enjeux à venir de ce secteur 8 pourrait rendre leur exploitation plus durable.

A ce titre, le Maroc devrait poursuivre la prospection des terres rares dans l’ensemble de son territoire, préserver ses minerais stratégiques et critiques et nouer des coopérations dans ce domaine, afin de garantir son approvisionnement en ces terres rares, nécessaires, entre autres, pour l’industrie des énergies propres, ainsi que pour la transition énergétique.

DEGEL DE LA CRYOSPHERE

Le dégel de la cryosphère* fait référence, selon le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat 9, à la fonte et à la réduction des étendues de glace et de neige présentes sur la Terre. Ces étendues englobent les inlandsis (calottes polaires), les plateformes glaciaires, la glace de mer (banquise), le pergélisol (permafrost*), les glaciers de montagne, les manteaux neigeux continentaux et la neige saisonnière.

Les manifestations du dégel de la cryosphère sont multiples. Elles incluent, notamment, l’accélération de la fonte des étendues glacières, l’élévation du niveau des mers, la perturbation des écosystèmes et des habitats, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes ainsi que la perturbation des cycles hydrologiques.

Par ailleurs, ces divers aspects peuvent être interconnectés. A titre illustratif, la fonte des glaciers perturbe les cycles hydrologiques, entraînant des variations importantes dans la disponibilité des ressources en eau. Durant les 50 dernières années, la fonte des glaciers et la réduction de la couverture neigeuse ont entrainé une diminution d’environ 27.000 milliards de mètres cubes des réserves d’eau naturelles 10.

De surcroît, l’élévation de la température du pergélisol provoque une libération accrue du méthane et de dioxyde de carbone 11. La fonte du pergélisol dans l’hémisphère nord pourrait également dégager environ 800.000 tonnes de mercure d’ici 2100 12. En outre, les opportunités d’exploitation minière créées par ce dégel libèreraient d’anciens virus et bactéries, générant ainsi des risques d’apparition de nouvelles maladies ou pandémies.

Le dégel de la cryosphère pose d’énormes défis environnementaux et sanitaires. Des mesures d’atténuation et d’adaptation à ce phénomène émergent sont nécessaires au niveau mondial.

Compte tenu de son climat aride à semi-aride, le Maroc ne dispose pas d’une cryosphère significative. Cependant, l’élévation du niveau de la mer, engendrée par les modifications au sein de la cryosphère sur la Terre, accentue les effets de l’érosion côtière et met en péril les villes littorales marocaines, affectant déjà les deux tiers des plages du pays 13.

En outre, la couverture neigeuse représente une ressource d’une importance stratégique pour sept bassins versants 14 fonctionnant selon un régime pluvio-nival*, en raison de ses implications vitales sur les plans géomorphologique, hydrologique et socio-économique. Le changement climatique réduit la durée de la couverture neigeuse dans les montagnes et risque de mettre en péril la vie des écosystèmes montagnards et la disponibilité des ressources en eau.

Le Maroc devrait donc concevoir et mettre en œuvre une stratégie d’adaptation au dégel de la cryosphère, en mobilisant tous les acteurs concernés à travers le pays.

EXTRACTION MINIERE SOUS-MARINE

L’extraction minière sous-marine (Deep Sea Mining-DSM) est une industrie commerciale qui exploite les dépôts minéraux* et les métaux du fond marin profond*. Le processus débute par la prospection et l’exploration et se termine par le raffinage des minerais 15.

La quête de la réduction des émissions de carbone a intensifié la demande sur les éléments essentiels pour réussir la transition énergétique, tels que le cuivre, le cobalt, le nickel …. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, le besoin mondial de ces minéraux, utilisés pour les véhicules électriques et le stockage des batteries, augmenterait d’au moins trente fois d’ici à 2040 16.

A cet effet, l’Autorité internationale des fonds marins (ISA), l’instance chargée de l’organisation et du contrôle des activités en fonds marins, a conclu 31 contrats d’exploration concédés à 22 entrepreneurs publics et privés 17. La Chine, la Russie, le Japon, l’Inde, la Norvège, la France et l’Allemagne figurent parmi les pays engagés dans cette course.

En juillet 2023, une conférence internationale 18 s’est déroulée à Kingston dans le but d’élaborer un « code minier », qui définit les modalités d’exploitation des fonds marins, en prenant en compte les questions technologiques, financières et environnementales. Bien que les Etats n’aient pas réussi à parvenir à un consensus, ils ont tout de même établi une feuille de route visant à concrétiser le code précité d’ici 2025.

En outre, un nombre croissant de gouvernements 19 et d’organismes non gouvernementaux se rallient à l’appel en faveur d’un moratoire, d’une pause de précaution ou d’une interdiction de l’exploitation minière en eaux profondes, que ce soit dans les eaux internationales, nationales ou les deux.

L’exploration et l’exploitation réussies des fonds marins constituent un défi majeur qui nécessite une combinaison de technologies avancées, de connaissances scientifiques développées et une réglementation appropriée avant toute mise en œuvre.

Le Maroc, avec ses deux façades maritimes atlantique et méditerranéenne, est doté d’un littoral de 3.500 km, le plus long de l’Afrique ainsi que d’une zone économique exclusive* de plus d’un million de kilomètres carrés. Il pourrait proposer, au niveau de l’Union Africaine, la définition d’un droit panafricain 20, permettant d’exploiter durablement le milieu sous-marin des pays du continent.

Ce cadre régional contraignant serait ainsi intégré au corpus réglementaire international existant, dans le cadre d’une diplomatie bleue. Il inclurait des mesures portant sur la coopération scientifique internationale, afin de tirer profit des meilleurs pratiques en matière de gestion et d’exploitation minière des fonds marins.

REFERENCES

  1. Andrews-Speed, P., & Hove, A. (2023). China's rare earths dominance and policy responses (No. 7). OIES Paper : CE. Page 21. ISBN. 978-1-78467-208-9.
  2. Idem.
  3. Statista. (2024), article “les plus grandes réserves de terres rares selon le pays dans le monde 2023’’. Publié par Statista Department Research. Consulté le 1er octobre 2024 à partir de : réserves mondiales de terres rares par pays 2023 | Statista.
  4. Fritz, S. E. (2023, 07 19), Revisiting the China-Japan Rare Earths dispute of 2010. Récupéré sur VOXEU CEPR. Consulted on October 1, 2024: https://cepr.org/voxeu/columns/revisiting-china-japan-rare-earths-dispute-2010.
  5. Isetani, S., Shimizu, S., Dewit, A., & Shaw, R. (2022). Indo-Japanese Collaboration on Energy Security and Critical Raw Materials (CRM). Asia-Pacific Journal: Japan Focus20(18), Article 5755.
  6. Idem.
  7. Fritz, S. E. (2023, 07 19), Revisiting the China-Japan Rare Earths dispute of 2010. Récupéré sur VOXEU CEPR. Consulted on October 1, 2024: https://cepr.org/voxeu/columns/revisiting-china-japan-rare-earths-dispute-2010.
  8. Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE). Avis du CESE sur les minerais stratégiques et critiques contributeurs à la souveraineté industrielle du Maroc. Auto-saisine n°67/2023.
  9. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat 2019- glossaire.
  10. Banque mondiale 2023. Article “ Le stockage de l’eau est au cœur de l’adaptation au changement climatique’’. Consulté le 1er octobre 2024 à partir de : L'action climatique à l'œuvre | Le stockage de l’eau (banquemondiale.org)
  11. Nations Unies. (2022), ONU Info : article “ L'actualité mondiale : un regard humain’’ Consulté le 1er octobre 2024 à partir de : https://news.un.org/fr/story/2022/02/1113532
  12. Ouranos. (2024), article “Pôle d'innovation et lieu de concertation permettant à la société québécoise de mieux s'adapter à l'évolution du climat’’. Consulté le 1er octobre 2024 à partir de : Dégel du pergélisol - impacts | Ouranos
  13. OFFICE OF LEGAL AFFAIRS. (2021), Permanent Mission of the Kingdom of Morocco to the United Nations, 22 December 2021, Summary of practice related to sea-level rise
  14. Lahoucine HANICH. (2022), présentation intitulée “Suivi des ressources nivales sur les montagnes de l'Atlas marocain’’. Workshop de clôture du projet CHAAMS 4-5 juillet 2022, Toulouse.
  15. United Nations Environment Programme. (2024), Issues note, Deep-Sea Mining. https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/45494/deep_sea_mining.pdf?sequence=3&isAllowed=y
  16. IEA. (2022), “The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions”. Page 8.
  17. The International Seabed Authority (ISA). (2024), article “Exploration Contracts’’. https://www.isa.org.jm/exploration-contracts/
  18. The International Seabed Authority (ISA). (2024), Rapport sur la 28-ème Session décisions sélectionnées et documents. https://www.isa.org.jm/wp-content/uploads/2024/03/Session_selected_decisions_28_FR.pdf
  19. La Coalition pour la conservation des grands fonds marins (DSCC). (2024), Consulté le 1er octobre 2024 à partir de : https://deep-sea-conservation.org/solutions/no-deep-sea-mining/momentum-for-a-moratorium/governments-and-parliamentarians/
  20. IRES (2023). Rapport Stratégique L’OCEAN : ENJEU MONDIAL ET SOLUTION PLANETAIRE Page 187.
  1. Andrews-Speed, P., & Hove, A. (2023). China's rare earths dominance and policy responses (No. 7). OIES Paper : CE. Page 21. ISBN. 978-1-78467-208-9.
  2. Idem.
  3. Statista. (2024), article “les plus grandes réserves de terres rares selon le pays dans le monde 2023’’. Publié par Statista Department Research. Consulté le 1er octobre 2024 à partir de : réserves mondiales de terres rares par pays 2023 | Statista.
  4. Fritz, S. E. (2023, 07 19), Revisiting the China-Japan Rare Earths dispute of 2010. Récupéré sur VOXEU CEPR. Consulted on October 1, 2024: https://cepr.org/voxeu/columns/revisiting-china-japan-rare-earths-dispute-2010.
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  6. Idem.
  7. Fritz, S. E. (2023, 07 19), Revisiting the China-Japan Rare Earths dispute of 2010. Récupéré sur VOXEU CEPR. Consulted on October 1, 2024: https://cepr.org/voxeu/columns/revisiting-china-japan-rare-earths-dispute-2010.
  8. Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE). Avis du CESE sur les minerais stratégiques et critiques contributeurs à la souveraineté industrielle du Maroc. Auto-saisine n°67/2023.
  9. Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat 2019- glossaire.
  10. Banque mondiale 2023. Article “ Le stockage de l’eau est au cœur de l’adaptation au changement climatique’’. Consulté le 1er octobre 2024 à partir de : L'action climatique à l'œuvre | Le stockage de l’eau (banquemondiale.org)
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  12. Ouranos. (2024), article “Pôle d'innovation et lieu de concertation permettant à la société québécoise de mieux s'adapter à l'évolution du climat’’. Consulté le 1er octobre 2024 à partir de : Dégel du pergélisol - impacts | Ouranos
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  17. The International Seabed Authority (ISA). (2024), article “Exploration Contracts’’. https://www.isa.org.jm/exploration-contracts/
  18. The International Seabed Authority (ISA). (2024), Rapport sur la 28-ème Session décisions sélectionnées et documents. https://www.isa.org.jm/wp-content/uploads/2024/03/Session_selected_decisions_28_FR.pdf
  19. La Coalition pour la conservation des grands fonds marins (DSCC). (2024), Consulté le 1er octobre 2024 à partir de : https://deep-sea-conservation.org/solutions/no-deep-sea-mining/momentum-for-a-moratorium/governments-and-parliamentarians/
  20. IRES (2023). Rapport Stratégique L’OCEAN : ENJEU MONDIAL ET SOLUTION PLANETAIRE Page 187.